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Compléments alimentaires et IA : une tendance qui redessine le secteur ?

L’Intelligence artificielle (IA) s’impose progressivement dans de nombreux secteurs, et celui des compléments alimentaires n’y fait pas exception. Longtemps cantonnée à la recherche académique ou à l’analyse de données industrielles, elle s’invite désormais dans les réflexions stratégiques des acteurs de la nutraceutique. 

Dans un marché en forte évolution, marqué par des attentes accrues en matière d’efficacité, de sécurité et de transparence, l’IA apparaît à la fois comme un levier d’innovation et comme un sujet de vigilance.

La question n’est donc plus de savoir si l’IA va influencer le secteur des compléments alimentaires, mais comment elle le fait déjà, et surtout jusqu’où son rôle peut aller sans entrer en conflit avec les exigences scientifiques et réglementaires propres à la nutrition humaine.

Pourquoi l’IA attire-t-elle autant le secteur des compléments alimentaires 

L’attrait pour l’Intelligence artificielle s’explique en grande partie par la nature même de la nutraceutique. La formulation d’un complément alimentaire repose sur une combinaison complexe de données : publications scientifiques, résultats d’essais cliniques, recommandations nutritionnelles, contraintes réglementaires, tendances de consommation et attentes marketing.

L’IA se distingue par sa capacité à analyser rapidement de grands volumes d’informations hétérogènes. Elle peut, par exemple, croiser des bases de données scientifiques avec des signaux issus du marché afin d’identifier des ingrédients émergents, des associations d’actifs cohérentes ou des segments de population insuffisamment adressés.

Dans un contexte où les cycles d’innovation se raccourcissent, cette capacité d’analyse accélérée représente un gain de temps non négligeable. Là où une veille manuelle nécessitait plusieurs semaines, certains outils automatisés permettent aujourd’hui d’obtenir une vision synthétique en quelques heures.

Ce que l’IA fait déjà concrètement dans la nutraceutique

Contrairement à certaines idées reçues, l’IA n’est pas un concept futuriste dans le secteur des compléments alimentaires. Elle est déjà utilisée, de manière plus ou moins visible, dans plusieurs domaines clés.

Veille scientifique et réglementaire

L’Intelligence artificielle est de plus en plus mobilisée pour analyser la littérature scientifique, repérer des publications pertinentes et suivre l’évolution des connaissances sur les micronutriments, les extraits végétaux ou les biotiques. 

Cette veille automatisée aide les équipes à rester à jour dans un environnement scientifique dense, sans pour autant se substituer à l’analyse critique humaine.

Analyse des tendances de consommation

Les données issues des réseaux sociaux, des forums spécialisés ou des études de marché constituent une source d’information précieuse sur les attentes des consommateurs. 

L’IA permet de détecter des signaux faibles, comme l’émergence d’un intérêt pour un actif spécifique, un format galénique innovant ou une préoccupation croissante autour de la durabilité et de l’origine des ingrédients.

Appui aux processus internes

Dans certains laboratoires, l’IA intervient également pour optimiser la gestion documentaire, faciliter la rédaction de supports techniques ou structurer des bases de données ingrédients. 

Utilisée de cette manière, elle agit comme un outil d’assistance, améliorant l’efficacité opérationnelle sans modifier les fondements scientifiques des produits.

L’IA dans la formulation : accélération, mais pas automatisation

L’un des champs d’application les plus discutés concerne la formulation des compléments alimentaires. Les algorithmes sont désormais capables de proposer des combinaisons d’ingrédients en fonction d’objectifs définis, comme le soutien de l’immunité, la gestion du stress ou la récupération musculaire.

Ces outils peuvent également intégrer des paramètres techniques, tels que la biodisponibilité, les valeurs nutritionnelles de référence ou certaines interactions connues entre micronutriments. L’intérêt principal réside dans la phase exploratoire : l’IA permet de générer rapidement des hypothèses de formulation et d’orienter les équipes vers des pistes pertinentes.

Cependant, il est essentiel de rappeler qu’en Europe, aucune formule ne peut être validée uniquement sur la base d’un calcul algorithmique. Les compléments alimentaires restent soumis à un cadre réglementaire strict, qui impose des preuves scientifiques solides, des contrôles qualité rigoureux et une validation humaine à chaque étape. L’IA accélère la réflexion, mais ne remplace ni l’expertise du formulateur ni les exigences réglementaires.

Gélules et comprimés compléments alimentaires

Personnalisation et segmentation : un potentiel encadré

La personnalisation des compléments alimentaires fait partie des grandes tendances du marché. L’IA peut contribuer à cette évolution en analysant des profils types de consommateurs, des données épidémiologiques ou des habitudes alimentaires afin de proposer des formules ciblées.

Dans un contexte B2B, cette approche permet d’imaginer des gammes adaptées à des segments précis – seniors, sportifs, personnes suivant un régime végétal, par exemple – tout en conservant une production industrialisable. 

Là encore, l’IA agit comme un outil d’aide à la décision, facilitant la segmentation et la cohérence des offres.

Toutefois, cette personnalisation reste collective et non individuelle dans le cadre des compléments alimentaires. Les recommandations ultra-personnalisées basées sur des données de santé individuelles soulèvent des questions éthiques et réglementaires importantes, qui dépassent largement le cadre actuel de la nutraceutique européenne.

Un cadre réglementaire qui limite le rôle de l’IA

L’un des points majeurs à souligner concerne la réglementation. En Europe, les autorités compétentes – notamment l’EFSA et les autorités nationales – ne reconnaissent pas l’Intelligence artificielle comme une source d’autorité scientifique.

Les décisions relatives à la formulation, aux allégations ou à la mise sur le marché doivent impérativement être prises par des responsables identifiés et qualifiés. L’IA ne peut donc en aucun cas endosser une responsabilité réglementaire. Elle fournit des informations, mais celles-ci doivent être systématiquement vérifiées, interprétées et validées par des experts humains.

Cette exigence s’applique également aux allégations nutritionnelles et de santé. Le Règlement (CE) n°1924/2006 impose que toute allégation soit étayée par des preuves scientifiques reconnues. Les résultats issus d’un algorithme, aussi sophistiqué soit-il, ne constituent pas une preuve en soi. Ils peuvent orienter la recherche, mais jamais justifier une revendication sur un emballage ou un support marketing.

IA, contenus et communication : un outil sous contrôle

L’Intelligence artificielle est aussi utilisée pour générer ou structurer des contenus, qu’il s’agisse de fiches produits, de supports pédagogiques ou de textes marketing. Dans ce domaine, elle offre un gain de temps appréciable, notamment pour produire des premières versions ou organiser l’information.

Néanmoins, le risque est réel si ces contenus ne sont pas relus et corrigés par des spécialistes. Une formulation imprécise, une allégation non autorisée ou une interprétation erronée d’une donnée scientifique peuvent entraîner des conséquences juridiques importantes. Là encore, l’IA doit être considérée comme un outil d’assistance, jamais comme un validateur final.

Vers une intégration responsable de l’IA en nutraceutique

L’intégration de l’Intelligence artificielle dans le secteur des compléments alimentaires ne relève ni du rejet ni de l’adhésion aveugle. Les applications les plus pertinentes sont celles qui respectent un équilibre clair : utiliser la puissance d’analyse de l’IA pour gagner en efficacité, tout en maintenant un contrôle humain strict sur les décisions scientifiques, réglementaires et éthiques.

Les cas d’usage les plus adaptés aujourd’hui concernent la veille, l’analyse de tendances, l’aide à la formulation exploratoire et l’optimisation de certains processus internes. 

À l’inverse, toute utilisation directe de l’IA pour justifier des allégations, remplacer une expertise scientifique ou contourner les obligations réglementaires expose les acteurs à des risques importants.

À moyen terme, l’évolution du cadre européen sur l’Intelligence artificielle en santé et en nutrition viendra probablement préciser ces limites et définir de nouvelles règles du jeu. D’ici là, la prudence et la transparence restent les meilleurs alliés des professionnels du secteur.

Une tendance à suivre, sans perdre de vue l’essentiel

L’Intelligence artificielle ouvre des perspectives intéressantes pour la nutraceutique. Elle modifie la manière d’analyser l’information, d’anticiper les tendances et de structurer l’innovation. 

Mais elle ne change pas les fondamentaux : un complément alimentaire efficace repose toujours sur des ingrédients de qualité, une formulation cohérente, des preuves scientifiques solides et un strict respect de la réglementation.

Dans un marché en constante évolution, l’enjeu n’est pas d’adopter l’IA à tout prix, mais de l’intégrer de façon raisonnée, au service d’une innovation responsable et durable.

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